Geoffroy Roux de Bézieux sur TV5 Monde : "Quand il y a une négociation, il faut accepter de mettre fin à une grève"
Invité des Internationales sur TV5 Monde, Geoffroy Roux de Bézieux est revenu sur la situation économique et sociale dans notre pays, et notamment sur la crise dans le secteur pétrolier. Il a également évoqué la crise énergétique, le risque de récession et la guerre en Ukraine ou encore l'espace économique francophone.
Sur la crise sociale
Pour Geoffroy Roux de Bézieux, sans contester bien sûr le droit de grève, les "150-200 personnes qui bloquent la France rendent la vie des Français et la vie des entreprises totalement impossible. Donc évidemment, le message, c'est d'arrêter (...) Quand il y a une négociation, il faut accepter de mettre fin à une grève".
Face à l'inflation qui touche notre économie, "partout, quel que soit le secteur, quelle que soit la taille de l'entreprise, il y a des demandes, reconnaît Geoffroy Roux de Bézieux, et c'est vraiment du cas par cas parce qu'il y a des entreprises qui vont bien – Total est un exemple – et on en a qui vont moins bien ou qui n'ont pas pu répercuter la hausse des prix sur leurs clients (...) Donc on est dans une situation très très contrastée".
Pour le président du Medef, "on constate une fracture entre les Français… avec les citoyens qui se sont adaptés à la mondialisation, qui sont plutôt dans une logique de réussite parce qu'ils sont diplômés, qu’ils habitent les métropoles et une autre partie des citoyens qui eux ont du mal avec cette modernité en général. Mais Total, c'est le bouc-émissaire. Moi, je suis fier qu'on ait Total en France parce que si Total partait… ce qui n’est pas impossible parce que la majorité des actionnaires, malheureusement, ne sont pas Français, eh bien ce serait une perte de souveraineté incroyable pour la France".
Pour Geoffroy Roux de Bézieux, "la France est un pays de 36.000 communes, avec de la place et il faut qu’on arrive à répartir la création de richesses… On crée beaucoup d'emplois en France, mais 80 % de ces emplois sont créés dans 20 métropoles".
"On a perdu, nous, les employeurs, l'habitude d'une inflation à 5 ou 6 % puisque ça fait 30 ans ou 40 ans… mais, si on indexe automatiquement les salaires, on va nourrir l'inflation. Et donc encore une fois, je pense que c'est dans chaque entreprise, en fonction de la situation et de la capacité qu'a l'entreprise à dégager des marges, à augmenter ses prix qu’il faut négocier."
Sur la crise énergétique
Concernant les pris de l'énergie, "ce qu'on demande, précise Geoffroy Roux de Bézieux, c'est tout simplement ce qui a été accepté pour les Espagnols et les Portugais, c'est-à-dire le découplage du prix du gaz et de l'électricité (...) Je ne peux pas m'empêcher de dire qu’une partie de la situation dans laquelle on est, est liée aux décisions politiques prises par les Allemands depuis 15 ans. L'arrêt du nucléaire allemand d'un côté et la très forte dépendance au gaz dans laquelle ils nous ont mis. Donc à un moment, il faut qu'ils fassent preuve de plus de solidarité".
"Il y a des choses qui ont été mises en place ; la première c'est de récupérer tous les superprofits des énergéticiens ; ensuite les pays ont tous mis, enfin plus ou moins, un bouclier tarifaire pour les ménages et les petites entreprises ; mais il reste des entreprises qui consomment beaucoup d’électricité, qui sont obligées de se couvrir et à qui on propose des prix… Et là la bonne solution, ça n'est pas de faire un bouclier tarifaire entreprises parce que ça va coûter énormément, la solution, c’est le système européen, une solution pérenne et on a besoin du président Macron, on a besoin de Bruno Le Maire pour à un moment taper du poing sur la table et faire plier les Allemands dans ce bras de fer politique."
Quoi qu'il en soit, "on va durablement vers de l'énergie chère. Il y a la dépendance au gaz mais il y a aussi le fait qu’on passe d'énergies faciles à stocker qui avaient tous les défauts des fossiles et bon marché, à des énergies renouvelables plus chères. C'est un choix qu'il faut faire mais qui va renchérir le coût. La question qui se pose est : est-ce qu'on crée des asymétries entre les Etats-Unis, l'Asie et l'Europe ? C'est pour cela que nous, on défend la taxe carbone aux frontières".
Sur le risque de récession
"Depuis 30 ans, déclare Geoffroy Roux de Bézieux, la seule chose que j'ai apprise, c'est que les prévisions des économistes ne se réalisent jamais. Ce que je sais, c’est qu’aujourd'hui l'activité ralentit mais quand je discute avec les entrepreneurs, à part quelques secteurs, on n'est pas en récession (...) Les semaines qui viennent sont très incertaines. Il va y avoir des difficultés d'une ampleur qu'on a du mal à maîtriser ; pour autant, les entreprises françaises sont devenues extrêmement résilientes ; il n’y a pas plus darwinien au fond que l'économie de marché et plus il y a de crises plus elle s'adapte (...) Je ne suis pas de ceux qui sont en permanence en train de tendre la main. Je ne suis pas devenu entrepreneur – et je crois que c'est la majorité de mes confrères – pour aller au guichet. Il y a un moment où les aléas de marché doivent faire partie de la vie de l'entrepreneur. Quand on demande des baisses d'impôts, c'est simplement pour nous remettre en fiscalité à la moyenne européenne. On ne demande pas un paradis fiscal ; on dit simplement : faites-nous courir la course, avec le même sac à dos que les autres."
Sur le verdissement de la production
Geoffroy Roux de Bézieux en convient, "produire plus vert, c’est souvent produire plus cher. Pour autant, la conséquence du verdissement de la production n'est pas forcément la décroissance. C'est peut-être une croissance plus sobre, une croissance plus raisonnée (...) il y a quand même, et ce n'est pas être décroissant que dire çela, certains abus de la société de consommation dans les deux sens, c'est-à-dire une excessive consommation, une excessive obsolescence de certains produits (...) il y a des choses qu'on peut revoir".
Sur la guerre russo-ukrainienne
"Nous sommes 100 % derrière le gouvernement et les pays occidentaux sur les sanctions pour des questions de principe parce que quels que soient les profits qu'on peut faire avec les Russes, on ne peut pas laisser le droit international piétiné… même si les entreprises françaises en pâtissent. Par contre, chaque entreprise a une situation différente ; il y en a qui ont pu partir très rapidement parce qu’elles avaient peu d'investissements ; il y en a, c'était le cas de Danone, qui était très impliqué, qui avait en plus des produits de première nécessité et qui fait une retraite en bon ordre plutôt que de le faire à toute vitesse sous la pression de l'événement. Chaque entreprise est un cas particulier."
Sur l'espace économique francophone
"La francophonie a toujours été un espace diplomatique, un espace culturel mais pas un espace économique ; on n'avait pas cette idée de Commonwealth. Donc l'alliance des patronats francophones, c'est « Prospérer ensemble ». Donc on a invité 27 pays, alors pas toute la francophonie parce qu'il y a des pays qui sont quand même assez éloignés, 27 pays, pour créer cette alliance et donc ils sont tous venus à Paris il y a deux ans. On a scellé ça à Tunis et là on va en Côte d'Ivoire, à Abidjan, à la fin du mois. Il y a une très forte demande. Le but c'est de développer des flux d'affaires entre pays francophones nord-sud évidemment, mais aussi sud-sud et nord-nord, avec cette idée que le multilatéralisme recule dans le monde. Il faut donc trouver d'autres moyens de négocier, de discuter, de faire des affaires (...) L'alliance des patronats francophones, ce n'est pas France Afrique, c'est plus large que cela."